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Les lansquenets d'Europe - Page 12

  • Mettre en ordre soi-même pour faire le ménage autour de soi

    Traduction du discours en espagnol de Gabriele Adinolfi à la rencontre des Lansquenets en Cantabrie (13 mai 2023)

     

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    Demandons-nous pourquoi nous avons une passion politique, pourquoi nous sommes en désaccord avec la politique et la culture de la majorité, si nous avons des espoirs de succès et lesquels.

    Nous ne nous posons généralement pas ces questions car nous agissons d'abord par instinct puis par réflexes conditionnés. Même notre pensée est conditionnée et nous assumons de nombreuses croyances que nous n'essayons presque jamais de vérifier.

    Nous nous disons généralement qu'un complot se déroule, que les gens sont trompés et manipulés par quelqu'un, mais que la mesure est pleine et que bientôt les gens vont se réveiller.

    Nous disons cela parce que nous ne sommes pas conscients de la société ni même de nous-mêmes.

    Les gens sont-ils trompés ? Probablement oui mais parce qu'ils demandent à être trompée. C'est ainsi que fonctionne le consensus dans une démocratie, un consensus qui prévoit la délégation de responsabilités à d'autres.

    Le peuple demande à être trompé pour ne pas être appelé à faire des choix.

     

    La démocratie dans toutes ses versions, en particulier communiste, est basée sur la non-participation active du peuple à la politique et à la civilisation et les satisfait donc, supprimant tous les engagements, tous les fardeaux et, par conséquent, la possibilité de s'élever.

    Les modèles de nos ancêtres étaient différents : des sociétés organiques et participatives, hiérarchisées, dans lesquelles le devoir pouvait rendre libre et grand.

    Depuis l'avènement de l'ère mercantile, les affrontements entre deux visions du monde se sont répétés. Celle dite césarienne a bouleversé la grisaille des démocraties mercantilistes et des oppressions communistes, jusqu'aux révolutions nationales du siècle dernier.

     

    Nous vivons aujourd'hui dans une ère de transition où la société se transforme profondément : de moins en moins organique, avec une communication de plus en plus virtuelle, elle est administrée par des oligarchies de plus en plus technologiques appuyées factivement par les oppositions virtuelles bruyantes et vides qui représentent en quelque sorte les syndicalismes de l'insatisfaction. Toutes ces oppositions ne font que démontrer qu'il n'y a pas d'alternative aux oligarchies. Les populismes, de droite et surtout de gauche, en Europe comme aux États-Unis, l'ont ponctuellement démontré.

    Car le problème, dans la société d'aujourd'hui, ne se limite pas à la gestion des ministères ou des gouvernements nationaux, mais est beaucoup plus profond, il réside dans les âmes, dans les cerveaux, dans le mode de vie.

    Puisque nous sommes dans une ère de transformations qui n'a probablement pas de précédents aussi importants dans l'histoire, réaffirmer l'essentiel, le juste et aussi le bon sens dans un changement continu et sans les références solides du passé, peut sembler rédhibitoire.

    Et c'est là que nous tombons dans les principales erreurs qui nous désorientent.

     

    Quelles sont ces erreurs ?

    Le premier est l'insistance sur la tromperie dont nos peuples seraient victimes.

    A partir de là, au lieu de ressentir de l'empathie avec les gens et d'établir une relation d'échange communicative, on a tendance à les endoctriner, en leur expliquant tout par un complot. Nous donnons des interprétations sommaires, réductrices et souvent grotesques à des outils critiques de la démocratie qui, dans chacune de ses différentes expressions (contre-révolutionnaire, fasciste, marxiste) étaient de grande qualité. Mais nous les avons momifiés, nous ne saisissons presque jamais leurs aspects physiques et métaphysiques, et nous ne sommes plus capables de comprendre l'enchaînement des actes, des effets et des causes.

    En tant que Témoins de Jéhovah, nous prétendons prêcher au peuple cette vérité dont nous sommes convaincus, mais qui est le cadavre d'une vérité. Mais on n'arrice pas à le réveiller, peut-être parce qu'il dort moins que nous: cela ne marche jamais.

     

    La deuxième erreur est l'effet de la première. Puisque nous n'arrivons pas à convertir les gens aux Témoins de Jéhovah, nous décidons que notre peuple est pire que les autres, qu'il est plus pourri et qu'il doit être dominé par quelqu'un. Alors on suppose qu'il n'y a rien de pire que l'Occident, ce qui n'est absolument pas vrai, et que tout est mieux que l'Occident, ce qui est surtout faux.

    Les Témoins de Jéhovah se réfugient alors dans le Bateau pirate de Brecht et rêvent d'ouvrir les portes de la ville à l'envahisseur qui devrait réparer les torts et remettre les choses en ordre.

    Ainsi, sans même se rendre compte que notre imaginaire devient mondialiste, on se prend à rêver d'une victoire décisive pour ceci ou cela : Ahamdinejad, Poutine, Trump, pour certains même le Djihad.

    Nous sommes au seuil du délire.

     

    Une troisième option devient une erreur dans sa pratique, mais, contrairement à celles que nous venons d'énumérer, elle a au moins l'avantage de rechercher le concret. Je parle des tentatives politiques de la droite nationale (Rassemblement National, Fratelli d'Italia, Vox, Lega, Reconquête, Chega). Ceux qu'y militent sont souvent accusés de trahison ou d'abandon des répères. mais de quelle chaire vient le sermon ?

    S'il existe un sujet politique radical autonome, il n'a pas besoin de s'identifier à un parti mais il n'a pas non plus besoin de l'excommunier.

    Si nous avons une vraie identité, nous n'avons aucune difficulté à manier n'importe quel outil possible, avec réalisme mais avec autonomie. Comme c'est rarement le cas, force est d'admettre que c'est nous qui avons des problèmes.

    Nos plus proches qui militent dans ces partis, eux, ont malheuresement presque toujours le défaut de se laisser emporter par les dynamiques électorales et de ne pas agir en profondeur là où se trouve le vrai pouvoir stable, ou plutôt dans ce qu'on appelle désormais l'Etat Profond.

     

    En un mot, nous ne savons généralement pas trop quoi faire, nous n'avons pas de stratégies, nous n'avons pas de méthode, nous n'avons pas d'ambitions, nous n'avons pas de plans.

    Nous vivons d'illusions déplacées, de désillusions, de déceptions et d'emportements amers.

    Nous nous entendons souvent bien les uns avec les autres, en communauté. Mais ce qui nous sauve d'être Témoins de Jéhovah, ce sont les appels du sang et du sacrifice : Acca Larentia, José Antonio, la Charlemagne...

    Ce n'est pas de la nécrophilie ni même de la nostalgie, c'est un lien profond et plus qu'humain. Et c'est à partir de là qu'il faut commencer à agir sur soi, pour devenir meilleur à la fois, plein de sens et efficace même en politique.

     

    ….................

     

    Lorsque nous nous rendons à un rassemblement pour un Présent!, nous éprouvons des sensations uniques. Cela se produit parce que nous ressentons leur présence, quelque chose de sacré, de métaphysique. Est-ce que c'est nous qui en avons l'impression ? Peut-être en partie, mais pas entièrement car c'est l'un des rares moments où l'on perçoit l'harmonie du cosmos, le lien entre le visible et l'invisible, entre le temps et l'éternité.

    La célébration de Caduti est quelque chose qui nous appartient, que d'autres ne sont jamais capables de reproduire. Ils ne le pouvaient pas parce qu'ils sont des matérialistes aveugles.

    Beaucoup d'entre nous, presque tous, n'ont pas vécu les années où sont tombés ceux dont nous nous souvenons. Nous essayons d'être dignes d'eux mais nous ne savons rien d'eux. Pourtant, un film suffit, les photographies suffisent, les paroles de chansons et de poèmes suffisent, pour saisir l'abîme qui sépare ceux dont on se souvient de leurs ennemis. Un abîme esthétique, un abîme de style, un abîme de dignité, car c'est un abîme spirituel.

     

    Cara al sol n'est pas une façpn de dire. Ils ont marché face à la mort avec le paso alegre, de la paz interior, en la guerra.

    Ils étaient ordonnés et disciplinés. Pour de nombreux historiens, la guerre civile espagnole a été gagnée par les nationaux parce que la majorité des sous-officiers avaient choisi ce camp, tandis que les républicains avaient du mal à se discipliner.

    En vérité ils possédaient une paix intérieure, leur passion était faite d'amour et non de haine, comme c'est presque toujours le cas chez les ennemis.

    C'est pourquoi leurs yeux étaient toujours vivants, même dans les moments les plus tragiques, c'est pourquoi ils étaient ironiques et leurs chansons étaient joyeuses. Pour cela, ils étaient disciplinés, ils étaient bien rangés et ils étaient beaux.

    En uniforme ils étaient beaux, leurs ennemis étaient presque toujours grotesques habillés en soldats, ils n'avaient pas le style.

    Ainsi, les notres vainquaient non seulement quand ils vainquaient, comme en Espagne, mais aussi quand ils perdaient, comme sur les fronts de l'Est ou du Sud. Parce qu'ils étaient plus grands et qu'on s'en souviendra toujours, alors que personne ne se souvient des autres.

    Il suffit de penser aux tombes d'Evita et de Mussolini et à la Valle de los Caidos qui a maintenant été profanée.

     

    On se répète souvent, et avec raison, qu'il n'y a plus d'hommes comme eux. Cela dépend de nombreux facteurs et ce n'est donc pas un fait irréversible. Puisque les hommes et les femmes sont liés à leur époque, il ne faut pas trop se reprocher de ne pas être comme eux, car on a raté l'occasion de faire ses preuves. Mais au lieu d'être soumis et fatalistes en raison du manque de tels hommes, nous devons apprendre d'eux.

    Le rationalisme, le matérialisme et l'opportunisme nous ont imposé des schémas de pensée qui nous font croire que tout n'est qu'un rapport de forces, un fait quantitatif.

    Rien de plus faux : on n'intervient pas sur les effets si on ne part pas des causes.

    Vous ne changez pas le monde en opposant des programmes à des programmes, des conceptions à des conceptions. Cela se fait en partant du centre.

     

    Nos ancêtres ont fondé des villes avec des rites et ont tracé le Mundus, à partir duquel l'impur était gardé hors des murs. Avant d'aller à la guerre, ainsi qu'avant d'ériger des ouevres, les âmes étaient purifiées, les rythmes naturels et cosmiques étaient suivis.

    Ce fut l'accent des siècles suivants, plaçant l'église au centre du village.

    On croyait que pour changer le monde il fallait être en ordre avec soi-même et on était convaincu que les influences invisibles et subtiles sont plus puissantes que les tentatives titanesques.

    Ainsi naquit la juste hiérarchie, c'est-à-dire le commandement du sacré, ou de l'ancien.

    La hiérarchie n'est pas une affaire de gangs, où un chef domine ses adeptes : c'est un service.

    La conception correcte de la hiérarchie n'est pas d'avoir des suiveurs, c'est de choisir des leaders et de les suivre pour vaincre soi-même.

    C'est à cela que sert la discipline : vaincre soi-même , annuler son égoïsme, son intelligence, sa paresse, son ambition, s'annuler et, ce faisant, devenir plus grand.

    C'est pourquoi les troupes disciplinées gagnent, car elles ne sont pas poussées par l'angoisse ou la colère.

     

    Sans discipline intérieure, quoi que vous essayiez de faire, vous ne changez pas le monde.

    Une discipline qu'il faut cultiver en se mettant à l'épreuve, en parallèle avec un effort physique : arts martiaux, marche, tir à l'arc ou compétitions sportives. Une discipline qui doit nous apprendre à ne pas mettre l'ego au centre des choses, à ne pas voir nos actions comme des projections de nos ambitions individuelles, mais toujours au service d'une communauté et, avant cela, de quelque chose de supérieur et non fermé, quelque chose qui nous unit tous, quel que soit le mouvement, l'association, le parti ou le groupe dans lequel nous militons.

    Si l'on veut ensuite toucher le monde, il faut retrouver un style, une allure.

    Je parle de style et d'allure, pas d'attitude. Ce doit être quelque chose qui nous vient naturellement, une fois que nous avons mis les neurones dans un ordre hiérarchique. Si ce n'est pas naturel, cela devient grotesque : exactement comme le sont toutes les bandes partisanes dans leurs uniformes et dans leur façon de défiler.

     

    Ne vous méprenez pas : je ne vous invite pas à témoigner et encore moins à vous sentir supérieur et à vous perdre dans le mépris des autres.

    Je crois profondément que les changements qui s'opèrent produiront de nouvelles opportunités prometteuses.

    Il faut y répondre par des compétences organisationnelles, par des stratégies, des méthodes et des programmes, par des analyses claires et opérationnelles et non par une opposition philosophique.

    Cependant, les deux choses vont de pair et il est important de toujours garder à l'esprit que l'intelligence, la capacité, la force doivent toujours répondre à l'esprit, à l'impersonnalité, à la communauté, à l'éternel et jamais l'inverse.

     

    C'est sur cette conviction et en travaillant à ces deux niveaux que nous avons donné vie aux Lansquenets d'Europe, à travers lesquels par lequel nous intervenons dans ce sens partout où nous le pouvons et que, une fois par an, nous nous retrouvons lors d'un week-end de haute intensité en Provence, dans le sud de la France. Cette année du 20 au 23 juillet : un rendez-vous à ne pas manquer et auquels je vous attends !

    Cependant, ce qui importe le plus, c'est de faire nôtre ce savoir ancien, et somme toute simple, et d'agir sur nous, car seuls ceux qui se mettent en ordre dans le chaos peuvent mettre de l'ordre dans le monde qui les entoure. Parfois sans même avoir besoin d'agir, par simple contagion de l'exemple.

    Avec une noble humilité et avec générosité. Le reste viendra.

     

  • La grave erreur des souverainistes

    par Gabriele Adinolfi

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    Il y a des intellectuels, des chercheurs et des penseurs souvranistes de qualité. Pas en Italie où tout ce qui touche à la politique est réduit à un vaudeville de bas étage. Et, rassurez-vous, pas même en Russie où il n'y a qu'une lourdeur infinie liée à une tristesse cosmique.

    On les trouve dans divers pays : France, Angleterre, Suisse, Amérique Latine, et peut-être ailleurs. Leurs analyses critiques du système mondial ne sont que de lointaines parentes des représentations primitives et grossières qu'en font la droite terminale et le populisme occidental, capables de rendre ridicule même ce qui ne l'était pas à l'origine et de tout transformer en une complainte impuissante.

    Pourtant, même eux, qui auraient les outils intellectuels pour assumer un autre rôle, se sont glissés dans une impasse en raison d'une très grave erreur de construction.

     

    Le souverainisme a pris forme après la chute du mur de Berlin

    et l'implosion de la féroce marionnette russe, le meilleur stabilisateur de l'impérialisme américain de tous les temps.

    L'effondrement de Moscou a fait disparaître la logique bipolaire qui permettait la meilleure gouvernance mondiale et depuis, les mutations de la gauche au sens global et des droits civiques (Open Society) ont commencé pendant qu'au niveau des services de renseignement on denonçait la nouvelle "menace" qui aurait remplacé, dans son comportement et son rôle, celle soviétique : le danger islamique.

    A tort, on s'est mis à parler d'un projet de gouvernement mondial, alors que la gouvernance était non seulement suffisante et bien avancée mais elle était - et l'est - beaucoup plus solide et efficace. La chute du masque de la guerre froide (qu'on essaie aujourd'hui de re-proposer en exploitant la bêtise chronique du Kremlin), pour la stabilité psychique des masses, a nécessité la réalistation des menaces internes (guerres civiles, épidémies) et externes (avant que la Russie ne tente à nouveau de ressusciter une obsolète, c'était le terrorisme, pas par hasard aujourd'hui en catimini).

     

    Paul Valéry

    célèbre poète français au tournant des 19e et 20e siècles, a dit "Ce qui est simple est faux, ce qui ne l'est pas est inutilisable".

    On ne peut gouverner une masse de sujets exprimant la complexité, mais seulement des thèmes simples et engageants, créant sans cesse une situation anxiogène, dans l'irrésolu, et proposant des utopies à court terme. Cela a été fait, au moins de 2001 à aujourd'hui.

    Mais ce n'est pas un complot, c'est une technique propre à la soi-disant post-démocratie, qui est une ultra-démocratie de l'impuissance qui aboutit toujours à une gestion autoritaire et totalitaire, quoique avec un sourire de bonnes consciences

     

    L'énorme erreur des souverainistes

    a été de croire que tout cela était une manœuvre de l'Hyperclasse pour priver le peuple du pouvoir, d'où est alors née la plaisanterie du clash peuple/élite.

    Ce n'est pas du tout le cas, car les prétendus peuples sont des masses qui demandent une laisse et une muselière et ne sont pas du tout dupes, loin de là !

    Même lorsqu'ils s'insurgent contre le pouvoir politique, dans leur assemblage ultra-montagnard, ils exigent des interventions tyranniques.

    Mais aussi parce que ce qui est définie comme l'Hyperclasse est encore interprétée de manière réductrice et grossière. Certaines des presupposés souverainistes sont à la fois vraies et fausses. Certes, l'Hyperclasse répond à des idéologies et même à des confessions particulières qui influencent grandement le message politique et social et la structure culturelle. Cependant, il est insensé de penser que les migrations de masse ne dérivent que de cela et n'ont rien à voir avec la démographie et la communication moderne, ou que l'idéologie écologique qui veut transformer l'économie elle-même n'a rien à voir avec les ressources énergétiques et avec la nouvelle géo -économie qui en découle..

     

    L'arbre est dans son bourgeon

    Les souverainistes ont fait une erreur d'interpretation parce qu'ils sont réactionnaires et, comme tous les réactionnaires, même les plus intelligents, ils possèdent une vision statique de la réalité : ils s'attardent donc sur les acteurs, sur les gestionnaires du pouvoir, affirmant à juste titre que celui-ci est indépendant de la politique institutionnelle dialectique et des frontières géographiques de l'État. En revanche, les progressistes perçoivent tout en mouvement, ils s'attardent sur la dynamique et ne donnent pas assez de poids à ceux qui tiennent les rênes.

    Aucune de ces cultures politiques ne voit jamais le tout ; l'une et l'autre manquent de la Synthèse (du et et) typique des révolutions ou de la médiation des cultures de gouvernement. Qui peuvent alors fusionner comme l'enseigne l'Italie mussolinienne.

    Ainsi pour les progressistes le processus est irréversible et pour les réactionnaires il doit être bloqué.

    Deux manières égales et opposées de lever la main en l'air et de ne rien compter.

     

    Hyperclasse

    L'hypothèse selon laquelle il y aurait une hyperclasse unie et hostile au reste du monde est très discutable.

    L'écart culturel et formel entre elle et les masses de sujets est en grande partie l'effet du temps. Sa cohésion est une exagération. Sans doute y en a, comme à chaque époque et dans chaque situation, au stade de la défense des privilèges, mais pour tout le reste interviennent des guerres intestines, pour le moins féroces, comme cela s'est toujours produit dans l'histoire.

    De plus, la décomposition de l'architecture sociale bourgeoise rend la formation et le changement générationnel plus difficiles. C'est pourquoi aujourd'hui le jeu comme jamais se joue sur la formation des élites, ce qui est la seule chose qui devrait nous intéresser. Une élite capable de gérer autrement les processus d'époque, non dupe d'arrêter le temps et de revenir à un hier non électrisant.

    Je l'ai écrit il y a vingt et un ans dans Il nuovo ordine mondiale tra imperialismo e Impero.
    Mais elle ne peut s'accompagner des fossilisations réactionnaires

     

    La tentation souverainiste

    non seulement a le défaut d'êtree tiré par les cheveux, moins pour ses presupposés floues que pour ses conclusions erronées, mais celui, beaucoup plus grave, d'endosser le rôle de sabotage et de lest au sein des nations où elle se produit. Quel que soit le phénomène qu'il s'agit de gérer (pensez à la nouvelle économie, à la verte), si on n'arrive pas à l'assumer en le modifiant mais qu'on essaie d'y opposer des frictions, le seul résultat qui s'ensuit est de profiter à des concurrents qui n'ont pas ce problème ou qu'ils surmontent en deux secondes, comme les États-Unis et la Chine, nous laissant derrière.

    Rien n'est essentiellement plus hostile à la souveraineté que la soi-disant souverainisme qui, pas par hasard, a tourné le dos à l'idée d'Europe. Parfois faisant recours dérisoire à quelque chose qui n'arrivera jamais, comme l'hypothèse d'en faire une autre demain, au lieu de se battre aujourd'hui dans cellle-ci, pour cellle-ci et contre une partie de celle-ci.

     

    Ils nous disent que l'E est une caricature de l'Europe

    qui n'est pas la nôtre, qui est sa négation. Mais ce n'est pas notre Italie non plus et, mis à part le folklore néo-bourbon, personne ne songe à dire qu'on ne pourra pas la changer. Demandons-nous pourquoi ce non-sens est dit si souvent lorsqu'il s'agit de l'UE. Si l'on devient anti-européen, in primis on abandonne le mythe, in secundis on ne milite pas en faveur de l'avenir de notre lignée, de notre terre et de notre civilisation, in tertiis on déserte non seulement tout engagement révolutionnaire mais tout rôle concret .

    C'est l'effet de l'erreur de réglage que nous avons dénoncée : la perte du sens du mouvement. Sans quoi on ne peut concevoir la seule chose vivante, faisable et créatrice qui existe, qui est de modifier le mouvement, tel qu'enseigné par toute, et je répète toute, expérience révolutionnaire de l'histoire.

     

    Lequivoque souverainiste est un vrai sérum paralysant

    Du premièr postulat erroné, qui est l'unicité et la compacité de la classe dirigeante, découle le repli dans la marginalisation et la ghettoïsation avec l'effet des sermons de Savonarole. Il s'ensuit l'absurdité de vouloir réveiller un peuple imaginé comme trompé, capable et désireux d'exercer une souveraineté par le bas, en vertu de laquelle on s'accroche à une superstition démocratique ravivée, impensable, hors du temps et absolument en contraste avec la culture e la droite radicale qui s'en approprie dans son actuelle phase terminale.

    Dénuée de mythe, infectée par l'esprit des autres, se dirigeant vers l'irréel et l'impossible, manifestement impuissante, la désinterprétation souverainiste entraîne les inévitables réactions émotionnelles à l'échec : la désillusion et la colère. Sans comprendre que la façon dont les choses sont perçues est déformée par de fausses prémisses, étant donné que le peuple ne se réveille pas et que la classe dirigeante ne fout pas le camp, au lieu de travailler sur soi pour changer ses attitudes et ses comportements, on finit invariablement par décider que jusqu'à ce que tout ne s'effondre (implosion, convergence de catastrophes, avènement d'une domination extérieure) rien ne pourra changer et ainsi on finit par souhaiter chacune de ces éventualités, ne réalisant pas, ou ne voulant pas réaliser, que c'est préciesement celle-ci la preuve la plus claire de son propre échec. Pour ne pas agir sur soi et ne pas se remettre en question, tout devient alors meilleur qu'ici, même ce qui est objectivement et incontestablement pire.

     

    La fascination pour des modèles

    bruts, brutaux, incomplets, d'un système mondial, de plus en plus interdépendant, est quelque chose à partir de laquelle on finit par pardonner n'importe quelle souillure à ceux qui devraient abattre les murs dans lesquels le souverainiste se croit enfermé. Au point de trahir les symboles, òes attaches, les références historiques, au point de justifier la "victoire patriotique" russe de 1945 ou d'éprouver des attraits exotiques pour des modèles efficaces mais étouffants comme le chinois. Parce que tout serait mieux qu'ici.

    La vérité inavouée, c'est qu'on ne reussi à rien faire ici et ce non pas parce qu'ils nous empêchent de le faire scientifiquement, comme nous le prétendons, étant donné qu'on pourrait difficilement mettre en crise une réunion de copropriété, mais parce que, éblouis par l'erreur réactionnaire avec laquelle la souverainisme a voulu tirer les conclusions de prémisses pas tout à fait fausses, nous nous sommes enlisés dans des sables mouvants, anéantissant nos forces vitales.

     

    S'impliquer

    Comme je l'ai dit plus haut, et comme je le répète depuis des décennies, aujourd'hui comme jamais le jeu se joue sur la formation des élites, ce qui est la seule chose qui devrait nous intéresser. Une élite capable de gérer autrement les processus d'époque.

    Il faut tendre vers ce but, et pour cela il faut récupérer, capitaliser, mais rendre effectives et non paralysantes, les prémisses analytiques à partir desquelles le souverainisme était partie, se perdant par la suite du fait de la faille réactionnaire que nous avons constatée.

    Mais pour ce faire, nous devons être prêts à nous mettre en jeu et à abandonner les sermons apocalyptiques, les schémas abstrus et les dogmes invalidants que nous avons nourris comme des imbéciles au cours des trente dernières années.

     

     

  • Steuckers et une certaine Russie

    Sur les traces du phylum russe

    Georges FELTIN-TRACOL

     

    Le conflit entre la Russie et l’Ukraine fait rage aux confins de l’Europe. Les belligérants produisent une désinformation massive qui brouille la réalité et corrompt les faits. Esprit libre à la polyglossie avertie d’où des lectures riches, variées et pertinentes, Robert Steuckers étudie depuis des décennies sur une généalogie intellectuelle de la pensée russe.

     

    On trouve une part non négligeable de ce travail permanent dans un recueil passionnant intitulé Pages russes. D’aucuns l’accuseront de soutenir de manière implicite, par des sous-entendus convenus et des arrières-pensées inavouables le Kremlin. Ils ne comprendront pas que l’auteur n’est pas un enfant de la Rus’ médiévale, mais un féal du Lothier impérial. Neutre, il peut se permettre d’aller aux sources philosophiques d’une « russicité » constante dans ses moments tsariste, soviétique et russe.

     

    Contre l’Occident US !

     

    Il est en revanche avéré que Robert Steuckers n’apprécie pas l’OTAN, ce bras armé de l’Occident planétaire américanomorphe, grand pourvoyeuse de drogues. Cette organisation poursuit depuis 1949 - 1950 les tristement célèbres Guerres de l’opium (1839 – 1856) contre l’Empire chinois. « “ Internationaliste “ dans son essence, elle prend le relais d’un internationalisme inégalitaire, né de l’idéologie interventionniste du One World sous égide américaine, défendue par Roosevelt lors de la deuxième guerre mondiale. » Il souligne dès 2003 qu’« être un État membre de l’OTAN […] signifie être dépendant, donc soumis à la volonté d’un autre qui ne poursuit évidemment que ses seuls intérêts; être membre de l’OTAN, c’est être le jouet d’une volonté autre, d’une volonté qui veut nous réduire à l’état de pion docile, sans volonté propre ». L’actualité récente confirme son assertion.

     

    De retour de son voyage en Chine, le président français Emmanuel Macron qui tente par ailleurs de trouver un terrain d’entente viable entre Russes et Ukrainiens, a récusé toute confrontation entre l’Occident et la Chine. Cette remarque de bon sens a suscité la colère de Donald Trump. L’ancien président étatsunien a accusé le locataire de l’Élysée de « lécher le cul de la Chine ». Sans être aussi grossiers, Polonais et Baltes ont eux aussi condamné la sortie présidentielle, montrant qu’ils adoraient bouffer le derrière de l’Oncle Sam. Quant à la Hongrie, elle a tenu au contraire à saluer les propos du dirigeant français.

     

    L’actuelle agitation autour de la réforme adoptée des retraites et la forte impopularité que connaît Emmanuel Macron ne seraient-elles pas en partie attisées par des officines atlantistes ? Leur influence sur les syndicats de l’Hexagone, en particulier FO, est en effet indéniable…

     

    La littérature russe, reflet d’une sociologie

     

    Robert Steuckers examine avec précision non pas l’« âme russe », ce cliché pseudo-psychologisant éculé, mais le phylum d’un univers mental moins ordonné qu’on ne l’imagine. Ainsi s’intéresse-t-il à la nouvelle génération littéraire qui émerge à la fin de l’Union Soviétique. Chef de file d’une école qui promeut la paysannerie et l’écologie, Valentin Raspoutine combat le mirage libéral dans une œuvre guère connue en Occident. « Raspoutine et les ruralistes défendent le statut mythique de la nation, revalorisent la pensée archétypique, réhabilitent l’unité substantielle avec les générations passées. » En recensant l’essai prodigieux Le communisme comme réalité, il signale qu’Alexandre Zinoviev « a prouvé qu’il n’était pas seulement un grand homme de lettres mais un fin sociologue ». Il le décrit en parfait « conservateur individualiste ».

     

    L’auteur revient sur la vie, le parcours et les écrits d’Alexandre Soljénitsyne. Ce dernier prononce, le 25 septembre 1993, un vibrant discours d’hommage à la Vendée martyrisée deux siècles plus tôt. Le dissident souligne que « les racines criminelles du communisme résident in nuce dans l’idéologie républicaine de la révolution française; les deux projets politiques, également criminels dans leurs intentions, sont caractérisés par une haine viscérale et insatiable dirigée contre les populations paysannes, accusées de ne pas être réceptives aux chimères et aux bricolages idéologiques d’une caste d’intellectuels détachés des réalités tangibles de l’histoire. […] Ce discours, très logique, présentant une généalogie sans faille des idéologies criminelles de la modernité occidentale, provoquera la fureur des cercles faisandés du “ républicanisme “ français, placés sans ménagement aucun par une haute sommité de la littérature mondiale devant leurs propres erreurs et devant leur passé nauséabond ». Ces nabots poursuivent le défunt auteur de L’archipel du goulag d’une incroyable hargne en réclamant le changement de nom d’un lycée des Pays-de-la-Loire sous prétexte qu’Alexandre Soljénitsyne était… russe.

     

    Sur le plan intérieur, Robert Steuckers analyse l’œuvre exigeante de Dostoïevski, « idéologue génial de la “ slavophilie “ voire du panslavisme » à travers les idées de Chatov qui offrent au populisme russe (narodnikisme) une transcendance incarnée dans l’histoire. « Chatov affirme que le peuple est la plus haute des réalités, notamment le peuple russe qui, à l’époque où il pose ses affirmations, serait le seul peuple réellement vivant. En Europe occidentale, l’Église de Rome n’a pas résisté à “ la troisième tentation du Christ dans le désert “, c’est-à-dire à la “ tentation d’acquérir un maximum de puissance terrestre “. Cette cupidité a fait perdre à l’Occident son âme et a disloqué la cohésion des peuples qui l’habitent. En Russie, pays non affecté par les miasmes “ romains “, le peuple est toujours le “ corps de Dieu “ et Dieu est l’âme du peuple, l’esprit qui anime et valorise le corps-peuple. » La vision du peuple russe théophore n’est donc pas propre à Alexandre Douguine puisqu’elle s’inspire, par-delà Dostoïevski, de La Russie et l’Europe (1869) de Nicolas Danilevski. Il en résulte un messianisme civilisationnel et une eschatologie (géo)politique qu’on retrouve dans les méandres compliqués de la diplomatie soviétique.

     

    Diplomatie manquée et impératif confédéral

     

    Joseph Staline agit sur le plan international en dirigeant réaliste. Est-ce la raison qui l’incite à décliner à la fin de l’année 1940 le projet ambitieux de « quadripartite » avec les signataires du Pacte Tripartite (Allemagne, Italie et Japon) ? Cette grande alliance aurait modifié la donne géopolitique avec « une URSS qui aurait pris le relais de l’Angleterre en Perse, en Afghanistan, au Pakistan (voire aux Indes) et une Grande-Allemagne maîtresse du reste de l’Europe [qui] auraient, conjointement, mieux pu garantir la paix. Surtout au Moyen-Orient ».

     

    Robert Steuckers insiste sur l’impossibilité en Europe centrale et orientale de faire coïncider le peuple et l’État. En décembre 1942, le gouvernement polonais en exil à Londres, dans le but de neutraliser les velléités expansionnistes allemandes et soviétiques, « propose la création de deux “ unions fédérales “ dans l’Est de l’Europe centrale. La première regrouperait la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Lituanie, la Hongrie et la Roumanie et la seconde, la Yougoslavie, la Grèce, la Bulgarie et l’Albanie (voire la Turquie) ». Dès l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale, le Yougoslave Tito cherchera pour sa part à créer une « fédération balkanique » autour de la Yougoslavie avec l’adhésion de l’Albanie, de la Bulgarie et de la Grèce. La défaite des communistes grecs et la rivalité entre le maréchal yougoslave et l’Albanais Enver Hodja ruineront ce plan qui aurait résolu les irrédentismes croate, bosniaque, albanais, musulman et macédonien…

     

    Robert Steuckers fustige enfin qu’« en Occident, l’ignorance du mode “ ethniste “ de pratiquer la politique dans l’Est de l’Europe centrale demeure une triste constante. Personne ne se rend compte qu’on y raisonne en termes de “ peuples “ et non en termes juridiques et individualistes ». Cette méconnaissance crasse ne doit pas stériliser les initiatives. Au contraire, « l’idée d’une confédération doit mobiliser nos esprits. Une ou plusieurs confédérations regroupant les peuples d’Europe centrale en groupes d’État dégagés de Moscou et de Washington et s’étendant de la mer du Nord à la mer Noire, donnerait un essor nouveau à notre continent ». Déclinant, vilipendé et défaillant, l’État-nation n’était pas le modèle approprié à reproduire au lendemain de la chute du mur de Berlin.

     

    D’une érudition exceptionnelle, Robert Steuckers va volontiers à l’encontre des bouffons du savoir, « les amateurs de terribles simplifications, les spécialistes de l’arasement programmé de tous les souvenirs et de tous les réflexes naturels des peuples ». En Européen convaincu, il prévient surtout que « construire la “ maison commune “, c’est se mettre à l’écoute de l’histoire et non pas rêver à un quelconque monde sans heurts, à un paradis artificiel de gadgets éphémères », surtout quand les bases initiales n’existent toujours pas.

     

    Robert Steuckers, Pages russes, Éditions du Lore, 2022, 398 p., 30 €.Pages russes.jpg