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La doctrine du multi-alignement, nouveau défi stratégique

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La Covid et l'invasion de l'Ukraine, la crise de Taïwan, la course aux métaux rares : en quelques années seulement, nous avons eu l'occasion de tirer les leçons de la façon dont le monde a changé et à quel point les perceptions auxquelles nous étions habitués sont obsolètes et invalidantes.
Poutine nous a appris à ses dépens tout ce qu'il ne faut pas faire pour aspirer à rester ou devenir une puissance, ce qu'il faut éviter pour ne pas tomber irrémédiablement dans une pente désespérée.
Les États-Unis nous ont appris à gagner les guerres des autres et à gouverner un changement de paradigme en limitant les dégâts.
Entre ces deux exemples opposés, des nouveautés intéressantes ont fleuri et de nouvelles opportunités se sont présentées. Rien de tout cela n'appartient à la vulgate idéologique des nombreux politologues, géopoliticiens et politiciens fossilisés et plâtrés qui répètent comme de perroquets leurs idées preconçues.

Ni unipolarité ni multipolarité
Il n'y a pas de conflit entre la prétendue unipolarité américaine, encore moins occidentale, et une hypothétique multipolarité. La technologie, la démographie, la diversification énergétique, l'élargissement des marchés ont profondément modifié la structure mondiale (qui, d'ailleurs, n'a jamais été unipolaire). Les États-Unis, qui ont toujours soutenu une multipolarité asymétrique, tentent de jouer avec le timing pour contenir la montée en puissance de la Chine, tandis que pour la gestion et la médiation, on tend vers la construction d'une bipolarité américano-chinoise qui, cependant, compte tenu de la potentiel de l'UE, peut devenir un tripolarisme atypique, où nous jouerons le balancier équilibriste entre Washington et Pékin. Cependant, tout cela est ralenti par la folie russe qui a lieu aujourd'hui, qui aide objectivement les Américains et qui agace vraiment la multipolarité, renforce les États-Unis et nous affaiblit.
D'ailleurs, ce ne sont plus les Américains qui veulent réguler la mondialisation, mais les autres. A tel point qu'à l'OMC, aujourd'hui sabotée par les Etats-Unis et exaltée par la Russie, s'est créée une alliance Chine-Europe.

Il n'y a pas de vrais blocs
La représentation la plus grossière et la plus trompeuse des changements en cours est celle qui rêve des BRICS impériaux et de choc d'(in)civilisation mu par l'Est et l'hémisphère sud contre nous.
Rien de plus absurde !
Il est évident qu'il existe une hiérarchie des possibilités (moyens, génie, capacité, etc.) qui se reflète dans la gestion finale, donc dans la différence de poids spécifique, mais tout est tellement interconnecté et interdépendant que l'on peut parler de blocs , mais pas le former réellement. Il n'y a pas de bloc ni pour la défense de l'Ukraine ni pour soutenir le Kremlin, qui peut concrètement bénéficier du seul soutien iranien.
Personne aujourd'hui n'est prêt à entrer dans un bloc, sauf en paroles. Tout le monde se réarme mais personne ne veut se battre contre soi-mêmes ni même contre l'ennemi de service, qui représente plus qu'autre chose un prétexte, un levier pour augmenter sa puissance. Tous entendent décider à chaqu fois quels engagements prendre et respecter et écartent toute définition de l'ennemi a priori.
La Corée du Sud, l'Allemagne, le Japon le disent clairement.

Multi-alignés
Ce qui est en train de se réaliser, c'est ce que le premier ministre indien Modi avait proclamé, stipulant la doctrine du "multi-alignement". L'Inde est maintenant alignée sur la Chine, les États-Unis, la Russie et l'Europe : avec tout le monde et avec personne. C'est exactement ce que fait la Turquie, qui fait également partie de l'OTAN. Et là, nous nous heurtons à une autre bataille d'arrière-garde, avec la fixation sur l'Alliance atlantique, sans penser à la façon dont nous y sommes ou non, sans considérer que la Turquie en fait partie et qu'Israël n'en fait pas partie, par exemple.
Le multi-alignement a aussi toujours été la position israélienne, c'est l'actuelle japonaise, c'est la saoudienne, c'est la plus récente allemande et c'est la seule qui ait du sens à développer.
L'Italie l'a fait ces derniers temps, avec ses ouvertures bilatérales et trilatérales, du traité du Quirinal avec Paris, aux collaborations stratégiques avec le Japon, aux coopérations avec l'Algérie, à l'orientation vers l'Afrique subsaharienne, jusqu'à se présenter comme un point avancé de la politique méditerranéenne au nom de toute l'Europe.

Potentiel européen
L'heure n'est plus aux blocs fermés, mais aux blocs ouverts et aux vases communicants.
Le modèle de Yalta que les Russes poursuivent appartient au Paléolithique, comme eux.
Au lieu de cela, ce que les Américains proposent aux Chinois est bien plus complexe, embrouillé, ambigu, vacillant, adapté à ce monde « liquide ».
L'alternative existe, et elle n'est pas dictée par le choc des incivilités qui excite tant les rancuniers, les frustrés, les agités, les malheureux et les minus habentes, mais c'est l'imposition d'une logique nouvelle, impériale, dans la conception et la gestion des relations multi-alignées.
C'est aussi pourquoi l'Europe est potentiellement capable de devenir protagoniste et il semble que les Italiens et les Allemands l'aient compris.

Commentaires

  • qu'entends-tu par logique impériale ? Souveraine ne serait-il pas plus véridique, moins "ronflant" ?

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